Le Musée Missisquoi est singulier dans sa mission qui consiste, entre autres choses, à préserver bien vivante la mémoire des fondateurs loyalistes de la région. Cependant, par quelques aspects très importants, il ressemble comme deux gouttes d’eau aux autres musées québécois de petite taille.
Comme eux, il vit presque de l’air du temps et comme eux, son personnel est féminin et très mal payé. En outre, comme les autres musées d’histoire du Québec, sa clientèle est pourvue d’un diplôme universitaire dans presque les deux-tiers des cas et les revenus annuels de celle-ci dépassent les 50 000 $ dans 84 % des cas. Elle fait donc partie de la classe moyenne aisée, bien plus à l’aise, en général, que le personnel de l’institution muséale.
Mona Beaulac, la directrice générale du Musée Missisquoi à Stanbridge East, confie qu’elle consacre beaucoup de son temps à trouver de l’argent. « Le Musée vit avec un budget total de 150 000 $. Le résultat est que nous ne pouvons avoir à temps plein que deux personnes, plus notre archiviste, trois jours semaine. Pour entretenir le moulin Cornell, l’édifice patrimonial qui abrite le musée lui-même, c’est déjà limite. Mais il faut ajouter la grange Walbridge de Mystic (Saint-Ignace-de-Stanbridge) qui attire une proportion majeure de nos visiteurs. On peine à joindre les deux bouts. »
Il n’en a pas toujours été ainsi. Cependant, pour des raisons administratives essentiellement, en 2018-2019, le musée se voyait retirer l’agrément du ministère de la Culture et des Communications du Québec, ainsi que l’accès aux subventions que cet agrément permet. Résultat, le musée a eu un cas grave de COVID financière.
« Nous travaillons très fort pour redresser la situation, insiste Mona Beaulac. Déjà, nous avons recouvré l’agrément, ce qui ne s’est pas fait sans difficultés. Mais les subventions ne suivent pas automatiquement. Nous trimons dur actuellement pour aller chercher une subvention du Programme d’aide au financement des institutions muséales (PAFIM), qui nous aiderait grandement à respirer normalement. » Rappelons que le PAFIM donne accès à des sommes de plusieurs centaines de milliers de dollars aux institutions muséales admissibles.
On se désole ou on se console ?
Le Musée de Missisquoi est-il plus ou moins dans le pétrin que les autres institutions muséales québécoises ? Cela dépend de la taille du musée, mais sachez que 68 % de ceux du Québec ont un budget de moins de 300 000 $ par année. Sans rouler sur l’or, les musées nationaux, régionaux, municipaux ou qui sont la propriété d’une communauté religieuse paient leurs employés et leurs employées bien mieux que les autres, soit de 15 à 59 % plus que ceux qui dépendent d’un OBNL, selon les résultats d’une enquête remis en 2022 à la Société des musées du Québec.
Quant à l’agrément du ministère, si nécessaire pour entrer dans le paradis subventionnaire, 44 % des musées du Québec ne l’ont pas. Ces institutions, comme le musée Missisquoi, ont cinq employés ou moins, les deux-tiers étant des femmes. Comme lui, les employées des autres musées du Québec ont 40 ans et plus. Comme les autres musées, la masse salariale grignote plus de la moitié du budget annuel. Ce qui fait que la Société des musées se dit « …grandement préoccupée par le manque d’argent et par la rareté de personnel qualifié ».
Autre motif de désolation, l’écart salarial entre les femmes, qui représentent la majorité des employés, et les hommes : la moyenne horaire d’un salaire dans ce secteur est de 32 $ pour une femme et de 36 $ pour un homme. On peut penser que cet écart moyenâgeux explique la prépondérance des femmes parmi les employés de musées : elles coûtent moins cher.
Fréquentation en hausse
Les visiteurs du musée de Missisquoi, surtout ceux qui cèdent au charme de la grange Walbidge, sont en légère hausse cette année, comparativement à la fréquentation d’avant la pandémie. Pour l’ensemble des musées du Québec, même chose : fréquentation stable ou en légère hausse.
Impact touristique
Une étude de la société conseils RCMP réalisée pour la Société des musées du Québec montre deux faits contradictoires. Premièrement, au Québec, en 2019, les deux-tiers des visiteurs de musées étaient des touristes. Dans nos cantons, 70 % des clients des musées venaient de l’extérieur de notre région. L’étude a permis d’établir que la moitié de ces visiteurs confirment que les musées ont compté dans la décision de venir nous voir.
Ces touristes ont laissé 33 millions de dollars dans les divers commerces de l’Estrie. Cependant, seconde constatation, la société RCMP affirme que l’industrie touristique ignore l’offre muséale et l’inclut rarement dans ses campagnes publicitaires. Cela explique peut-être que les quatre musées de Brome-Missisquoi (Lac Brome, Missisquoi, Bruck et Sutton) ont décidé l’an dernier de prendre en mains leur propre publicité et ce, conjointement. Mona Beaulac se déclare satisfaite des résultats et souhaite le renouvellement de cette campagne l’an prochain.
La Grelinette voisine du Musée Missisquoi
Il se trouve aussi que d’amicales conversations ont très récemment eu lieu entre le musée de Missisquoi et son voisin l’ex-resto Old Mill. Les deux édifices patrimoniaux, le moulin Cornell et l’Old Mill se voisinent de chaque rive de la rivière aux Brochets. Le second vient d’être acheté par la Compagnie de l’institut jardinier maraîcher, propriété de Jean-Martin Fortier, co-fondateur des Jardins de la grelinette, micro-ferme bio de Saint-Armand. On se prend à rêver d’un resto qui offrirait un menu bio inspiré des recettes des Loyalistes, ou à un pique-nique à saveur du XVIIIème siècle.
Prendre note que le musée est fermé pour l’hiver et qu’il rouvrira ses portes en mai.