Annie Perreault
NDLR : Maroussia Lacoste, jeune poétesse de Bedford, prend ici la relève de Christian Guay-Poliquin à la barre de la chronique littéraire. Nous lui souhaitons la bienvenue !
En mars dernier, paraissait aux éditions Alto La femme de Valence, le tout premier roman d’Annie Perreault, autrice originaire de la rive sud de Montréal. Diplômée de l’université McGill en études russes et en littérature française, Annie cultive depuis toujours un intérêt pour l’altérité retrouvée dans le voyage, le dépaysement. Cet esprit d’évasion est omniprésent dans ses écrits, captant sous son radar toute la puissance et les subtilités de la beauté du monde.
La femme de Valence raconte l’histoire de Claire Halde, de passage dans la ville espagnole de Valence pour trois jours, en compagnie de ses proches. Paysages bucoliques, hôtel luxueux, air climatisé pour contrer la canicule et personnel aux petits soins, la table semble mise pour un séjour empreint de calme et d’aisance. C’est alors que le temps s’arrête, quand Claire se retrouve sur le toit-terrasse du Valencia Palace et qu’une femme aux poignets mutilés lui confie son sac à la hâte pour ensuite se jeter du haut du toit de l’hôtel. Envahie par l’incompréhension et la culpabilité, Claire joindra son histoire à celles de deux autres femmes. La première est un spectre à travers la surréalité pragmatique du décor. La seconde est au cœur d’une course oppressante pour retrouver sa mère. Sous le voile des questions sans réponses et de leurs mystères, rien n’est de tout repos dans l’atmosphère torride de Valence…
Il n’y a pas que par les paysages et les belles images de ses voyages qu’Annie Perreault déploie sa sensibilité au gré de ses écrits. En effet, La femme de Valence est calqué sur la tragédie qu’elle a vécue au même endroit, en 2009 (année où se déroule aussi le récit). Profondément choquée, il lui aura fallu beaucoup de temps pour prendre conscience du fait qu’elle souffrait d’un traumatisme. Cependant, elle dit ne pas souhaiter mettre de l’avant cet aspect personnel, affirmant que le texte se suffit à lui-même et que l’histoire doit occuper le premier plan. Bien qu’on puisse voir dans le personnage de Claire une forme d’alter ego, le roman ne se veut pas une autofiction. L’écrivaine a donc pu se permettre de créer à sa guise les actions et réactions de ses personnages.
Il aura fallu neuf ans de recul entre la parution de La femme de Valence et l’événement l’ayant inspiré. Ayant précédemment publié L’occupation des jours, un recueil de nouvelles paru chez Druide (qui lui aura d’ailleurs valu la mention d’honneur du prix Adrienne-Choquette), Annie Perreault effectue la transition de la nouvelle vers le roman avec le plus grand respect pour cette forme littéraire. Elle décrit son processus de création comme un casse-tête, de plus en plus cartésien au fil de l’écriture. Fonder le noyau d’un récit sur son expérience personnelle est une chose, bâtir l’aventure de personnages fictifs autour de ses souvenirs en est une autre ! Et si quelque détail géographique manque à l’appel, il y a toujours Google Maps.
L’écrivaine vient de s’attaquer à son prochain roman. L’univers des pérégrinations sera au rendez-vous, mais elle compte cette fois nous transporter… en Sibérie ! À suivre…