Si on a déjà douté de l’utilité des bandes riveraines, ce n’est certainement plus le cas, étant donné le vaste corpus d’études colligées par l’USDA, le ministère américain de l’agriculture. Déjà, en 2003, celui-ci publiait Vegetated Stream Riparian Zones : Their Effects on Stream Nutrients, Sediments, and Toxic Substances An Annotated and Indexed Bibliography of the world literature, including buffer strips and interactions with hyporheic zones and floodplains.* Dans ce document, on recense 890 articles publiés par des chercheurs de partout dans le monde de 1979 à 2001 et dans lesquels sont décrits les nombreux bienfaits qu’exercent les bandes riveraines sur la santé de nos cours d’eau.
De son côté, le Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) renchérit en proposant désormais le concept de bande riveraine élargie. Dans son document Bande riveraine élargie : un petit pas sur la largeur, un grand pas pour vos champs et vos cours d’eau**, il rappelle que « le respect d’une bande riveraine minimale de 3 mètres de largeur à partir de la ligne des hautes eaux est un premier pas pour réduire l’impact des activités agricoles sur les cours d’eau » mais que « l’aménagement optimal de la végétation de la bande riveraine et son élargissement de quelques mètres augmentent son efficacité et offrent plusieurs autres bénéfices. Ce petit pas supplémentaire peut ainsi faire toute une différence. »
On poursuit en rappelant que la bande riveraine élargie devrait être idéalement composée en proportions égales d’herbacées, d’arbustes et d’arbres plutôt que d’herbacées exclusivement, les végétaux ligneux étant plus efficaces pour améliorer la qualité de l’eau et stabiliser les berges, en plus de limiter l’abondance de rats musqués, ainsi que leur déprédation. Par ailleurs, contrairement aux herbacées, les bandes arbustives ou arborescentes font baisser la température de l’eau, ce qui contribue à en améliorer la qualité. Enfin, le système racinaire profond des végétaux arborescents et arbustifs favorise davantage la rétention des sols et offre une meilleure protection contre l’érosion.
Le programme Prive-vert*** du MAPAQ offre aux agriculteurs désireux de contribuer davantage encore à prévenir la pollution diffuse des cours d’eaux par les engrais et les pesticides la possibilité de faire passer leur bande riveraine de 3 à 25 mètres, ce qui constitue une nette amélioration. Rappelons toutefois qu’ailleurs, notamment au Nebraska, le Conservation Reserve Program américain offre des incitatifs aux fermiers pour des bandes ayant jusqu’à 55 mètres de largeur afin de compenser pour les pertes de revenus résultant du fait qu’ils soustraient une partie de leurs terres à l’agriculture.
Dans son dépliant Un pas de plus pour vous. Pour votre collectivité. Programme d’appui en agroenvironnement, Prime-Vert décrit l’aide financière offerte par le gouvernement dont le but consiste, écrit-on, « à soutenir les exploitations agricoles quant à l’amélioration de la qualité de l’eau et de l’air et relativement à la réduction de la pollution diffuse d’origine agricole (sédiments, produits phytosanitaires, etc.) dans les cours d’eau ».
C’est dire du même souffle que le ministère reconnaît le rôle que joue l’agriculture dans la dite pollution de l’eau, un pas de géant par rapport à son attitude passée. On ajoute que l’implantation d’une bande riveraine élargie a pour effet de stabiliser la rive et de retenir les particules de sol ainsi que les éléments fertilisants qui autrement seraient emportés vers le cours d’eau ou arrachés par les glaces, de limiter la progression des ravageurs (insectes nuisibles) et la propagation des maladies au champ, de favoriser la biodiversité et l’abondance des organismes bénéfiques et d’accroître la valeur des superficies qui sont régulièrement inondées, difficiles à drainer, à travailler ou à récolter ou qui ont de faibles rendements, à faciliter et sécuriser les activités culturales en bordure des cours d’eau.
Bref, c’est du gagnant-gagnant et il y a tout lieu de se demander comment il se fait que la pratique de la bande riveraine soit si récente et que celle de la bande riveraine élargie ne se fasse encore que sur une base volontaire.
Peuvent bénéficier de l’aide financière toutes les exploitations agricoles qui ont déjà une bande de protection riveraine permanente d’une largeur minimale de trois mètres, mesurée à partir de la ligne des hautes eaux, et comprenant au minimum un mètre de retrait sur le replat au haut du talus le long du cours d’eau.
L’aide financière couvre 70 % des dépenses admissibles (ou 90 % s’il s’agit d’une approche collective), jusqu’à concurrence de 20 000 $ par exploitation agricole pour toute la durée du programme. Elle peut concerner plus d’une bande riveraine élargie.
Les dépenses admissibles comprennent la conception de la bande, l’achat d’arbres et d’arbustes, l’implantation, à savoir les coûts de la main-d’œuvre, des matériaux et des semences, ainsi que les frais d’utilisation ou de location de machinerie spécialisée, la protection contre les rongeurs ou les chevreuils, conformément à la recommandation du MAPAQ.
Selon la réglementation, l’exploitant a le choix entre deux types de bandes :
. La bande riveraine élargie mixte
Elle comprend au moins une rangée d’arbres, d’arbustes ou d’un mélange d’arbres et d’arbustes (d’une largeur maximale de 10 mètres) ainsi qu’une partie herbacée. Mesurée à partir de la ligne des hautes eaux, elle doit avoir une largeur minimale de 5 mètres et maximale, de 25 mètres.
. La bande riveraine élargie arborescente ou arbustive
Elle est composée d’espèces ligneuses (arbres, arbustes ou mélange d’arbres et d’arbustes). Mesurée à partir de la ligne des hautes eaux, elle doit avoir une largeur minimale de 5 mètres et maximale, de 10 mètres.
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* Littéralement : Bandes riveraines végétalisées : leurs effets sur les nutriments, sédiments et substances toxiques présents dans les cours d’eau, et Substances toxiques : bibliographie annotée et indexée de la documentation internationale portant sur les bandes riveraines et leurs interactions avec les compartiments sous-fluviaux et les zones inondables.
https://www.fs.usda.gov/nac/tools/riparianbibliography.shtml
À noter que le programme Prime-vert 2015-2018 a pris fin le 31 mars 2018, mais on affirme sur le site qu’un nouveau volet sera bientôt disponible.