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Ancienne école de pierre de Saint-Armand : sauvée ?

Le Missisquoi
Dominic Soulié, coordonnateur du Centre historique de St-Armand

De gauche à droite : Lester Salomon, Hugh Symington, Lorial Symington, Bob Salomon, Loyd Salomon, Agnès Symington, Phillis Salomon, Jessie Symington, Ester Sweet  (La photo, courtoisie de Mme Symington, a été prise en 1928).

Par crainte de voir des richesses historiques disparaître, deux citoyens agissent.

À l’ombre des silos de « La Ferme des hauteurs », en plein cœur du village de Saint-Armand, subsistent encore et malgré tout deux bâtiments très importants reliés à l’histoire de notre municipalité et à celle des Cantons de l’Est. Ce sont les deux anciennes écoles de rang du village. Plusieurs personnes âgées qui résident encore à Saint-Armand et dans la région s’en souviennent très bien, car c’est là qu’elles ont appris à lire, écrire, et compter.

Longtemps cet endroit est resté à l’abandon, caché par une végétation envahissante. La plupart des gens pensaient que la propriété appartenait à la ferme voisine, mais il n’en est rien. Au début des années 60, le terrain et les écoles furent vendus par la Commission scolaire à Elisabeth Quigley qui, à son décès, les légua à sa fille Edna Larivière, dont plusieurs se souviennent car elle fut mairesse de Saint-Armand de 1973 à 1978. Mme Larivière fut aussi pendant longtemps, avec son mari Louis Larivière, propriétaire et administratrice de l’Hôtel Saint-Armand, démoli en juillet 1994 malgré l’opposition de citoyens pour faire place à notre centre communautaire actuel.

Nouveaux propriétaires

En août 2003, deux citoyens acquièrent cette propriété pour un montant de 25 000 $ dans le but de protéger, de restaurer et de remettre à l’ensemble de la communauté ces richesses uniques de notre patri­moine. Ils ont la ferme intention de veiller sur le site en attendant que des décisions soient prises quant à une future utilisation des lieux. Les deux nouveaux acquéreurs sont les fondateurs du Centre historique de St-Armand, Robert Côté et Dominic Soulié.

Deux écoles de rang

La plus ancienne bâtisse, solide construction en pierre, est très vieille, comme l’atteste la date finement ciselée que l’on peut apercevoir sur une petite plaque de calcaire au-dessus de la porte : 1831. Ce qui nous ramène au temps où le village s’appelait Moore’s Corner.

Dans les années 80, par une nuit de tempête, la toiture s’envola et endommagea celle de la seconde petite école, de bois celle-là, qui fut construite juste devant l’ancienne, vers la fin des années 1800 ou au début 1900.

Récapitulons : Un terrain sur le bord du chemin de Saint-Armand, tout près du centre du village, avec les deux vieilles petites écoles, une en pierre l’autre en bois, cachées par la végétation. Des citoyens, craignant de voir ces richesses historiques perdues à jamais s’engagent personnellement pour 25 000 $.

La petite école de bois

En ce qui concerne la petite école de bois, mentionnons qu’elle est en parfait état de conservation. Avec ses nombreuses fenêtres, sa toiture d’ardoise restaurée et ses planchers originaux, cette jolie petite bâtisse sera éventuellement mise en vente ou offerte à la municipalité, déménagée idéalement pas trop loin et bien visible de la route. Toutes propositions afin de la préserver et de lui donner une seconde vocation seront bienvenues et étudiées avec attention. À suivre …

La vieille école de pierre

Surprise ! Selon M. Mattew Farfan, des Townshipper’s, un organisme qui s’occupe d’histoire et de patrimoine dans les Cantons de l’Est, ce bâtiment serait la plus ancienne école de rang en pierre encore debout dans tous les Cantons de l’Est ! Sur leur site Internet, les Townshipper’s nous proposent un circuit patrimonial nous permettant de nous documenter et de visiter les vieilles écoles de rang : http://www.township sheritage.com/ circuits.html

Pas si étonnant que cela, dans le fond, quand on sait que Philipsburg et Saint-Armand sont le berceau de la colonisation et du développement dans les Cantons de l’Est, autour de la voie navigable du lac Champlain.

Parce qu’elles étaient solides, sécuritaires et souvent bien localisées, il était fréquent à l’époque que ces constructions de pierre aient de multiples utilisations. Par exemple, la vieille église de Philipsburg (United Church 1819) a servi de place-forte et d’observatoire aux Miliciens lors des Troubles de 1837.

Déjà, en 1961, notre Société d’histoire de Stanbridge-East organisait des excursions, des « cavalcades », et un de leur guide-historien mention­nait aux visiteurs, en passant devant l’ancienne école de pierre : « Remarquez sur votre droite l’ancienne petite école de pierre, elle date du tout début, et des services religieux y furent tenus longtemps avant que les églises d’ici ne soient construites. Elle devrait être préservée en tant que bâtisse his­torique ».

Dix ans auparavant, soit en 1950, une jeune étudiante de l’Université de Montréal effectue un recensement des anciens lieux de culte dans les campagnes et enquête à Saint-Armand. Les personnes âgées interrogées répondent unanimement que la vieille école de pierre « est vieille comme la place », et que des céré­monies religieuses de Noirs s’y tenaient « dans l’temps « ···

Classement historique

Du seuil de la porte, le passé revit. Les enfants et petits-enfants des pre­miers arrivants, pionniers, fermiers et artisans se sont instruits dans cette vieille école de pierre. Et n’est-ce pas là, à peu de distance, que se sont affrontés les Patriotes et les Miliciens, le 6 décembre 1837 ?

Les fenêtres arrière ont une vue imprenable sur le Nigger Rock, ce cimetière tabou si longtemps nié jusqu’en août 2002 lorsque notre municipalité enfin le décréta par résolution « lieux historique de Saint-Armand ».

Il n’y a plus aucune raison aujourd’hui pour que Saint-Armand perde une fois de plus des richesses patrimoniales, ou plutôt ce qu’il en reste, car les gens sont plus informés, davantage conscients de leurs responsabilités et savent bien qu’une fois l’irréparable commis, il est trop tard. C’est ce qui a motivé Robert Côté : « La sauvegarde de ce lieu historique, dit-il, ne devra surtout pas servir de prétexte pour raviver de vieilles chicanes de clôtures ou de vieilles querelles entre des citoyens qui se connaissent depuis longtemps et qui vont continuer à se côtoyer quotidiennement. Il n’y a aucune incompatibilité entre activités patrimoniales et activités agricoles, surtout en plein village, en bordure d’une des plus belles routes du Québec : le chemin de Saint-Armand ! » Une demande de classement historique suit son cours actuellement.

Enfin, il reste encore beaucoup de découvertes à venir concernant ces vieux bâtiments.

Témoignages, photos, anecdotes … La tradition orale peut nous permettre de connaître des détails importants, voire cocasses et savoureux ! Des histoires qui ne figurent pas toujours dans les archives. Car comme vous savez … tout n’a pas été écrit … et ne figure pas dans les archives … !