23 juin au soir. Le soleil tranquillement se couche sur la Colombie-Britannique. L’air est sec, l’asphalte exalte ses parfums de suie, il fait chaud et la vallée de l’Okanagan oscille derrière les vapeurs s’échappant de son sol.
Ça et là, comme des paires d’yeux couleur espoir regardant bien droit, plusieurs Québécois font du pouce le long des routes. Au travers des paysages montagneux, escarpés et désertiques, la 97 s’étire d’un horizon à l’autre et les voitures passent au compte-goutte.
La silhouette d’un pouceux au loin : une petite Chevrolet bondée de bagages et de gens s’arrête. Plaque du Québec. Le jeune homme embarque dans la boîte à sardines. La voiture repart.
Une douce liberté flotte dans l’air et une discussion succède aux présentations.
Ça parle de la température, de la traversée de l’Ontario, de la cueuillette des cerises, des immigrants venus de l’Inde qui possèdent la majorité des vergers de la vallée, des pesticides qui nimbent nos jours et nos nuits, de la microsociété québécoise de l’ouest, du cul-de-sac qui s’en vient le 28 juin, et ça parle de voyage, d’inconnu avec une particulière joie de vivre commune aux Québécois le 23 juin au soir. Ça parle mais personne, ni le pouceux, ni les passagers, ni le conducteur ne demandent « Où s’en va-t-on ? » 23 juin au soir : tous les Québécois de la vallée de l’Okanagan et des environs se donnent rendez-vous au bord d’un lac, dans les montagnes, pour fêter ensemble la Saint-Jean-Baptiste.
Puis le matin se lève couvrant les étoiles de son voile blanc, surprenant tous ces gens au beau milieu de leurs festivités. Musique, danse, feu et plein air ont fait battre le coeur de la nuit de la Saint-Jean. Sous le soleil réapparaissant on parle d’un éclair dans chacune de nos consciences, d’une soirée formidable, d’un peuple donnant toujours du sens à ses origines, d’un peuple chaleureux, lieu d’entraide et de solidarité, on parle d’un peuple, comme d’un lendemain de brosse, un peu ébranlé de cet alcool aux idéaux américains, d’un peuple, petit peuple, mais peuple quand même car un peuple, malgré la tempête, toujours debout.
Et tous repartent, dans les confins de cette province, avec la respiration leste des lendemains de belles fêtes et avec une certaine joie au ventre, comme si, comme si le Québec existait vraiment, comme s’il y avait toujours quelque chose, quelque chose oui en cette société qui la fera renaître des ses cendres libérales-conservatrices.