Jacques Thibault de Beloeil, cherche le bon « méné ».
Photos : Éric Madsen
Les riverains de Philipsburg connaissent très bien l’état de la baie Missisquoi puisque durant l’été, ils côtoient les algues bleues et vivent toutes les conséquences de la dégradation des eaux du lac. Humains et animaux doivent s’abstenir de se baigner et la consommation des poissons est à déconseiller.
Comme par magie, l’hiver arrive et le lac se recouvre de glace. Dès janvier, les petites cabanes apparaissent et les pêcheurs se mettent à l’ouvrage. N’y a-t-il pas lieu de se demander si la consommation de ce poisson, habitant ces mêmes eaux durant l’été, est sécuritaire. À la Santé publique, rejointe par téléphone, on nous répond que toutes les questions associées à la consommation des poissons d’eau douce au Québec ne relèvent pas du ministère de la Santé. Finalement, après de nombreux autres coups de téléphone, c’est Faune Québec Montérégie qui nous livrera quelques réponses. Une étude portant sur plusieurs spécimens de poissons pêchés l’été dernier dans la baie Missisquoi serait en cours. Les résultats de cette recherche, menée en collaboration avec les chercheurs de l’UQAM, ne sont toujours pas connus. Par contre, on sait déjà que même les poissons du Grand Nord recèlent du cadmium et du mercure… Histoire à suivre.
Pendant ce temps, par un beau dimanche après-midi, on peut aller marcher dans la nouvelle rue qui descend vers la baie Missisquoi et faire plus ample connaissance avec les gens qui fréquentent le lac. Ils sont nombreux et semblent très heureux, ces quelques groupes de pêcheurs que nous avons interviewés au hasard de notre promenade. Il faisait beau ce 9 janvier, jour sans grand vent et les cabanes de pêcheurs venaient à peine d’être installées depuis deux jours.
Notre première rencontre, un couple habitant le domaine de La Falaise, préfère la pêche à Philipsburg car, à son avis, les environs immédiats de la falaise seraient trop dangereux. Le couple dit aimer ce sport relaxant, loin du bruit et des téléphones. Il consomme sans crainte ses poissons depuis plus de trente ans, écartant cependant ceux qui ont des parasites. C’est surtout la perchaude grise qui abonde, mais depuis quelques années une perchaude blanche serait apparue. Le couple de La Falaise pratique ce sport pour se détendre, mais il constate certains changements peu agréables dans l’environnement. Par exemple, il est d’avis qu’il est très dangereux d’accrocher les traîneaux des enfants aux motoneiges. Les jeunes en état d’ébriété qui font des démarrages en trombe en voiture s’exposent évidemment à des dangers. Par contre, il est intéressant de savoir que de petits avions qui atterrissent au quai offrent des vols d’une durée de 20 minutes pour 35$ seulement.
Continuant notre promenade, nous interviewons un couple de citoyens de Farnham accompagnés de leur belle-sœur qui habite Philipsburg. Ce père de famille, dont c’est la première expérience de pêche sur la glace, apprécie beaucoup cette journée de plein air en famille. De nombreux enfants accompagnent les adultes et tous s’amusent bien. Ils ont loué une cabane avec dix trous à pêche extérieurs pour 55$ par jour jusqu’à minuit. Ils consommeront tous les poissons pêchés qui n’ont pas de parasites, soit surtout de la perche blanche.
Traversant la grande rue glacée, on se retrouve face à une famille nombreuse possédant des chiens, une motoneige et un véhicule à quatre roues. Le propriétaire de la cabane est un jeune homme de Saint-Jean, un grand habitué de l’endroit dont les parents habitent La Falaise. Il pratique ce sport depuis sa tendre enfance. Il nous dit consommer tous ses poissons et aurait récemment pêché un beau doré de dix pouces. Selon lui, la perchaude est un peu plus grosse cette année. Il possède sa propre cabane et fait lui-même ses trous dans la glace avec une perceuse à gaz. Il paie des frais de location annuels d’environ 200$ qui comprennent la mise sur glace de sa cabane et son entreposage le reste de l’année. C’est avec sa famille qu’il a appris à aimer la pêche sur la glace bien qu’un de ses oncles ait vécu une mésaventure il y a quelques années, sa voiture s’étant enfoncée dans le lac. L’oncle ne s’est pas noyé, mais il a eu peur ! Il a cessé de pêcher pendant quelques années avant de recommencer à s’adonner à son loisir.
En retrait des autres cabanes, près de son camion, un homme s’active autour de ses trous. C’est un natif de Beloeil qui vit à Saint-Jean. Il aime beaucoup Philipsburg et il vient à la pêche au moins trois fois par semaine. Pour lui, c’est beaucoup plus tranquille qu’ailleurs, surtout en semaine. Son épouse sort du camion et vient nous rejoindre. Elle aussi aime beaucoup la pêche sur la glace. Aujourd’hui, ils auraient pris trois « coliquos », poisson qui serait un hybride de l’achigan et d’une autre espèce de poisson. Ce poisson dont la chair est très savoureuse aurait fait son apparition il y a trois ou quatre ans. Eux aussi consomment tous leurs poissons, à moins qu’ils n’aient des parasites et, d’après eux, la qualité du poisson se serait améliorée depuis environ quatre ou cinq ans. Selon notre pêcheur, quelqu’un aurait pris, cet été au bord du quai, un brochet de quatorze livres ! Si on la compare aux autres lacs environnants, la baie Missisquoi à Philipsburg reste pour lui un endroit privilégié. Il ne loue pas de cabane, creuse ses propres trous et ne paie qu’un passage de 6 $ par jour.
Notre dernier groupe de pêcheurs s’amuse ferme sur la glace. Une dame de Saint-Jean est accompagnée de son conjoint français, chef cuisinier, et de ses amis de Chartres, en France, en vacances au Québec. Ils viennent pour une journée de plein air et apprécient énormément la neige, la glace et le plaisir de pêcher. Bien sûr, ils vont consommer leurs poissons, cuits avec chapelure, poêlés à la meunière et frits nature.
Au retour vers la rive, la lumière baisse doucement vers l’horizon et le paysage est splendide. Notre petit village renaît durant l’hiver. Un peu plus loin, des enfants patinent sur la glace. Certains jours sont magiques et silencieux, d’autres malheureusement extrêmement bruyants, envahis par le vrombissement des motoneiges et des quatre roues. Il y a de tout pour faire un monde, mais songeons quand même à respecter notre environnement et à le préserver.