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Non à la 35

Bureau d’audiences publiques sur l’environnement
Guy Paquin

Qu’il est doux d’avoir été prophète ! Il y a deux numéros du Saint-Armand nous y allions d’un premier article décrivant les motifs invoqués par le ministère des Transports pour prolonger l’autoroute 35 d’Iberville à la frontière. Nous osions conclure que ces motifs semblaient bien peu suffisants pour engager pareille dépense.

Or le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) vient de faire connaître son avis sur le projet. Il s’y oppose, du moins dans le segment allant de SaintAlexandre/Saint-Sébastien jusqu’à Saint-Armand. En résumé, il ne voit rien dans les arguments du ministère des Transports qui justifie le projet. Son avis concorde parfaitement avec les opinions de ceux qui, chez nous, se sont prononcés contre.

On peut lire ces opinions de citoyens et citoyennes dans le rapport du BAPE, disponible sur son site Web. Certains comme Christine Caron, Claude Benoît  et Martin Pelletier, que Le Saint-Armand a rencontrés, présentent des objections fondamentalement environnementales. On craint beaucoup pour le delta de la rivière aux Brochets et sa réserve écologique. On soutient qu’il est absurde de faire longer par une autoroute un milieu protégé.

Caricature : Jean-Pierre Fourez

Le BAPE précise ces inquiétudes, y ajoutant les siennes. Il remarque que l’impact des sels de voirie sur les milieux humides est insuffisamment documenté pour qu’on prenne pareille chance. Il ajoute qu’en l’absence d’une politique québécoise de protection des milieux humides ( !), en l’absence, donc, de règles du jeu claires, l’abstention vaut mieux. Il stipule qu’il faudra mesurer sur deux ans le niveau de chlore dans la rivière aux Brochets et dans l’étang Streit avant d’exposer ces lieux au voisinage d’une autoroute.

Le BAPE refuse carrément la variante de tracé au voisinage de la forêt marécageuse du delta de la rivière, variante sensée soulager les milieux agricoles. Il conclut là-dessus qu’aucun tracé n’est acceptable ni pour des motifs économiques, agricoles ou biophysiques.

Évaluation économique

Le BAPE concède que le tronçon allant d’Iberville à Saint-Sébastien peut présenter des avantages économiques pour la MRC Haut-Richelieu mais qu’au-delà, la 35 est injustifiable. Il rappelle que la MRC Brome-Missisquoi n’en a pas fait une priorité économique et que le village de Pike River est officiellement contre. Il se sert des évaluations de débit routier pour 2021 (toute une boule de cristal !) qui prévoient que le trafic sur la 133 chuterait de 66 % de la frontière à Saint-Sébastien et conclut que le tout est insuffisant pour justifier une autoroute sur toute la longueur projetée.

Aux arguments environnementaux déjà présentés s’ajoutent des considérations touchant la rarissime forêt de notre région. Le couvert forestier représente moins de 10 % de la superficie de nos territoires. La 35 projetée en ferait disparaître 80 hectares. Le BAPE affirme au contraire que ce couvert forestier doit être protégé.

Quant à l’impact sur le territoire agricole, les mesures d’atténuation offertes dans le projet du ministère des Transports sont jugées « inadéquates pour les entreprises agricoles » principalement à Saint-Armand et Pike River.

Le BAPE abonde dans le sens des propos tenus par Réal Pelletier, maire de Saint-Armand, dans notre journal. M. Pelletier réfutait la nécessité d’un poste de contrôle et d’un parc routier. Le Bureau renvoie les planificateurs du ministère à leurs tables à dessins, disant que ces projets menacent une vieille forêt à statut précaire et que les services commerciaux existent déjà. Pour l’échangeur sud, le Bureau se dit sceptique : il est difficile de croire que c’est le choix optimal, dit-il, quand c’est le seul proposé !

Deux coups de massue achèvent le fragile édifice des arguments du ministère des Transports. D’abord, dans le planning du ministère lui-même, rendu public en 2001, le prolongement de la 35 ne figure même pas en tant que priorité. Ensuite, un document plus récent du même ministère constituant le plan 2005-2008 n’en fait pas non plus une priorité. Après avoir souligné que la 133 n’est pas techniquement dangereuse, le BAPE conclut : injustifiée et injustifiable.

Reste à voir ce que le ministre de l’Environnement fera de cet avis. Remember Orford ?