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30 années de chaleur, sans précédent

Sławomir Kowalczyk

Figure 1 : La température moyenne de trente ans pour les sept régions continentales disposées verticalement du nord au sud. Reproduit avec la permission de Nature Geoscience.

Les trois décennies entre 1971 et 2000 ont probablement été les plus chaudes qu’a connues la terre depuis 1400 ans, estiment des chercheurs dans une étude publiée par la revue Nature Geoscience en avril 2013 (1).

Les quelque 70 scientifiques de 24 pays travaillant au sein de l’organisme PAGES 2K Consortium, ont recueilli et comparé les résultats de 500 études différentes portant sur les variations de température qu’a connues la planète au cours des deux derniers millénaires. Dans cette masse de données, les experts ont cherché les tendances de ces variations à l’échelle régionale et mondiale.

Ils ont analysé les données obtenues à partir de l’étude des anneaux des troncs d’arbres, du pollen, des sédiments prélevés dans les grottes, dans des carottes de glace, ou au fond des lacs et des océans, de même que de celles provenant de sources historiques, conservées et répertoriées sur toute la planète.

« Cette publication nous explique ce que nous savions déjà, mais de manière plus complète », souligne l’un des participants à l’analyse, le dendrologue Edward Cook, rattaché au Lamont Doherty Earth Observatory de l’université Columbia (New York).

Les chercheurs ajoutent que le réchauffement qui persiste depuis des centaines d’années est amplifié par les émissions de gaz à effet de serre, qui s’opposent au refroidissement naturel de la Terre. De plus, selon Jason Smerdon, climatologue à l’observatoire Lamont Doherty, la vague de chaleur et la sécheresse qui se sont produites en Europe en 2003 et ont entraîné la mort de nombreuses personnes et des pertes économiques considérables, correspondent à l’année la plus chaude sur ce continent depuis deux mille ans. « Cette chaleur record confirme que le réchauffement climatique était l’un des facteurs à l’origine des conditions qui prévalaient à ce moment-là », explique-t-il.

Par ailleurs, les auteurs d’une nouvelle étude confirment que, au Moyen Âge, un autre réchauffement est survenu entre 950 et 1250 environ, mais qu’il n’était probablement pas global. Au cours de cette période, dans certaines parties de l’Europe, de l’Amérique du Nord et de l’Antarctique, le climat était assez chaud, mais celui de l’Amérique du Sud est resté relativement frais. Des scientifiques affirment que le réchauffement actuel, n’est pas le résultat des activités humaines. Cependant, les chercheurs sont presqu’unanimement opposés à cette vision des choses. « Même en admettant que nous soyons entrés dans une période de réchauffement similaire à celle du Moyen Âge, l’émission intempestive et indéniable de gaz à effet de serre ajouterait au réchauffement naturel », explique Edward Cook.

Les chercheurs ont analysé aussi les variations climatiques dans les deux hémisphères : « Des périodes comme le réchauffement du Moyen Âge et du petit âge glaciaire se démarquent dans le temps, mais pas de la même manière sur toute la planète », observe Heinz Wanner de l’Université de Berne. Il ajoute que, jusqu’en 1500, la température sur Terre était tombée sous la moyenne de celle enregistrée sur le long terme, mais plusieurs années auparavant, des températures plus basses avaient été observées ailleurs, dans l’Arctique, en Europe et en Asie.

Malgré quelques épisodes de chaleur, la tendance observée à long terme témoigne de nombreuses années de refroidissement dans toutes les régions de la planète au cours des deux derniers millénaires. Probablement en raison d’une activité volcanique accrue, une diminution de l’activité solaire, des changements dans la proportion de terres couvertes de végétation et, possiblement, selon les auteurs de l’étude, en raison de la lente évolution de l’orbite terrestre. Entre 900 et 1900, la faible activité solaire et les fortes éruptions volcaniques ont conduit à une baisse de la température moyenne au cours de cinq périodes différentes, d’une durée de 30 à 90 ans chacune. De fortes éruptions volcaniques dans les tropiques constituent un facteur aggravant puisque les poussières émises par les volcans restent longtemps dans l’atmosphère et contribuent aux processus de refroidissement en voilant les rayons solaires. Cependant, à l’exception de l’Antarctique, le froid a commencé à s’estomper à la fin du XIXe siècle, coïncidant avec l’avènement de l’ère industrielle.

Au cours des deux derniers millénaires, certaines régions de la Terre ont également connu trois décennies plus chaudes que celle de la fin du 20e siècle. En Europe par exemple, il semble avoir fait plus chaud durant la période allant de l’an 21 av. J.-C. à l’an 80 apr. J.-C. qu’au cours des années 1971 à 2000. Il faut toutefois noter que le réchauffement du 20e siècle était en moyenne deux fois plus élevé dans l’hémisphère nord que dans l’hémisphère sud.

(1) PAGES 2K Consortium. Continental-scale temperature variability during the past two millennia. Nature Geoscience (2013) 6, 339–346.