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Vie communautaire

Paulette Vanier

Vivre dans une petite communauté comme Saint-Armand favorise la solidarité et l’entraide, de même que l’accomplissement en commun de projets qui comptent pour la population. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de problèmes : xénophobie, ostracisme, conflits, nuisances existent aussi, malheureusement. Mais à chaque problème sa solution. Dans cette chronique, nous identifierons certaines des situations problématiques que nous sommes susceptibles de rencontrer ici et proposerons des pistes de solutions. Dans ce numéro, nous traitons des nuisances par le bruit, qui sont plus courantes à la campagne qu’on pourrait le croire. Dans d’autres numéros, il sera question de l’isolement que vivent certaines personnes, des préjugés que certains entretiennent par rapport à d’autres, etc. Nous vous invitons d’ailleurs à proposer, le cas échéant, les sujets dont vous aimeriez que l’on traite dans cette chronique.

Nuisances par le bruit

Vous venez de vous installer dans le petit paradis de verdure dont vous rêviez depuis longtemps et voilà que vous vous rendez compte que vos voisins sont du genre à écouter de la musique à plein volume lorsqu’ils sont dehors. Ou vous vivez depuis plusieurs années dans ce petit paradis de paix que vous avez aménagé au fil des ans mais vous découvrez que vos nouveaux voisins ont l’habitude de régler leurs conflits conjugaux en se hurlant  des injures d’un bout à l’autre de leur terrain, de laisser leur chien japper indûment ou de faire crisser les pneus de leur voiture à la moindre occasion. Du paradis, vous voilà projeté en enfer !

La plupart des personnes se montrent respectueuses du bien-être et de la paix d’autrui, mais il se trouve toujours quelque indésirable pour rendre la vie impossible aux autres. La crainte de tomber sur l’un d’entre eux est d’ailleurs tellement répandue que, chaque année, à l’occasion des déménagements, certains médias, dont le Journal de Montréal, consacrent quelques pages à faire connaître au grand public ses droits en la matière. Même la campagne, que l’on croyait épargnée, n’y échappe pas.

Vos droits et vos recours

La jouissance paisible de la propriété est un droit inscrit dans la Charte des droits et libertés de la personne. Pour le faire respecter, la plupart des municipalités _ c’est le cas de Saint-Armand _ ce sont dotées d’un règlement sur les nui-sances. Ce règlement est appliqué par la Sûreté du Québec, qui intervient au nom de la municipalité, d’abord en servant un avertissement au voisin contrevenant, puis en émettant une ou des contraventions si l’avertissement reste sans effet. S’il est de bonne foi, votre voisin s’empressera de corriger la situation et il y a de fortes chances pour que vous n’ayez plus à vous plaindre de lui. Dans le cas contraire, il vous faudra faire valoir vos droits devant la Cour.

Porter plainte contre un voisin n’est pas chose facile. D’abord parce que c’est généralement vécu comme une déclaration de guerre, avec les conséquences qui s’ensuivent. Ensuite, parce que vous devez prouver que votre plainte est justifiée, ce qui nécessite de la documenter, un travail long, pénible et peu valorisant. Prenez des notes _ dates, heures, fréquence et nature du bruit _ et toute autre information factuelle et pertinente. Notez en quoi le comportement de votre voisin constitue une nuisance : vous ne pouvez travailler, vous détendre, dormir, jardiner, recevoir vos amis, etc. Au besoin, préparez pour la Cour un plan à l’échelle de l’endroit, incluant votre résidence et celle de votre voisin. Ces notes et documents vous seront utiles lorsque vous vous présenterez en Cour au cas où le voisin conteste la contravention (ce qu’il fera probablement). Vous pouvez aussi prendre des photographies, filmer ou faire des enregistrements sonores. Ces preuves ne sont pas toujours recevables par le juge, mais rien ne vous interdit d’essayer.

La jurisprudence

Si, malgré tout, vous doutez de la pertinence de votre plainte, parce qu’on vous aura dit ou laissé entendre, par exemple, que rien n’interdit à votre voisin de faire du bruit durant le jour ou que, à défaut de pouvoir mesurer précisément l’intensité de ce bruit, le règlement est inapplicable, sachez qu’il existe au Québec une jurisprudence en matière de nuisances et que vous (ou le procureur) pouvez la faire valoir en Cour.

Ainsi, dans un jugement qu’il rendait le 30 mars dernier, le juge Pierre J. Raîche de la Cour municipale de Cowansville a été on ne peut plus clair : citant l’article du règlement municipal qui stipule qu’« il est défendu de faire, de provoquer, ou d’inciter à faire de quelque façon que ce soit du bruit susceptible de troubler la paix, la tranquillité, le confort, le repos et le bien-être des citoyens ou de nature à empêcher l’usage paisible de la propriété dans le voisinage », il a confirmé la validité des contraventions données par les policiers à un citoyen bruyant et a condamné ce dernier à payer les amendes prévues dans ce cas. Il s’est notamment appuyé sur les jugements rendus par deux autres juges dans des causes semblables, soit :

– celui du juge Proulx dans l’affaire Demers versus Ville Saint-Laurent, qui a dit ceci : « Une nuisance au sens large comprend très certainement comme le propose Le Grand Larousse universel tout facteur qui constitue un préjudice, une gêne ou un désagrément pour la santé, le bien-être ou l’environnement et englobe la pollution ou les nuisances acoustiques, visuelles ainsi que toute dégradation des valeurs esthétiques, artistiques et culturelles » ;

– celui du juge Gilles Ouellet dans l’affaire ville de Thetford Mines versus Aluminium Fortin, qui a dit ceci :  « La notion de bruit excessif est connue des justiciables, ne comporte pas de difficultés d’appréciation ni d’application. Les termes ‘bruit excessif ou inusité nuisant au bien-être des personnes du voisinage’ ne sont ni incompréhensibles ni attributifs de discrétion policière. Toute personne raisonnablement informée de ce règlement peut facilement déterminer la conduite à adopter en conséquence. »

Bref, votre droit à la jouissance paisible de votre propriété peut être reconnu et défendu, y compris à la campagne.

Tout le monde vous le dira : il est toujours préférable de s’entendre à l’amiable plutôt que de porter plainte contre un voisin. Malheureusement, ce n’est pas toujours possible. Dans ce cas, vous choisirez peut-être, comme le font certains, d’ignorer la ou les nuisances pour ne pas « avoir de troubles », mais si vous décidez de faire valoir vos droits, le jugement du juge Raîche et ceux des deux autres juges sur lesquels il s’est appuyé vous rendront la tâche moins pénible.

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