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S’approprier sa campagne

Le Journal rencontre Cherkaoui Ferdous
Pierre Lefrançois et Paulette Vanier

Cherkaoui Ferdous, secrétaire général de Solidarité rurale du Québec  (Photo : Jean-Pierre Fourez)

Créée en 1991 par Jacques Proulx, un agriculteur de Saint-Camille alors président de l’Union des producteurs agricoles, Solidarité rurale du Québec (SRQ) est une coalition d’organismes et de personnes qui se sont donné pour mission de mettre en œuvre les moyens pour revitaliser et développer le monde rural, ses villages et ses communautés, afin de freiner le déclin démographique et la déstructuration de la campagne québécoise. Cet organisme est au cœur de la politique québécoise de la ruralité et du Pacte rural, un programme provincial de soutien financier destiné au développement rural. Depuis juin 1997, elle agit à titre d’instance-conseil du gouvernement du Québec en la matière.

Le 6 mai dernier, Cherkaoui Ferdous, secrétaire général de SRQ, prenait la parole lors de l’assemblée générale annuelle des membres du journal Le Saint-Armand. D’origine marocaine, cet homme s’est si bien enraciné ici qu’il connaît le Québec et ses différents territoires comme peu de « nés-natifs » peuvent s’en vanter. Il est également bien au fait des profondes mutations que connaît la ruralité. « Depuis les années 1980, dit-il, un nombre croissant de citadins migrent vers les campagnes. C’est un phénomène qui s’observe partout dans le monde. Cela a pour effet de transformer profondément les communautés. Le danger c’est qu’elles deviennent des campagnes des villes, des territoires où l’on consomme la campagne plutôt que de l’habiter ». On travaille en ville, on magasine en ville, on sort en ville, mais on a cessé de contribuer au développement du territoire que l’on habite. Selon Solidarité rurale, c’est là le véritable problème des campagnes : on peut y avoir sa maison sans habiter véritablement le territoire, sans éprouver de sentiment d’appartenance vis-à-vis de la communauté qui l’occupe.

Et que penser de l’exode des jeunes qui quittent la campagne pour aller étudier ou travailler en ville ? « De tout temps, les jeunes des campagnes ont quitté leur patelin pour séjourner en ville. Cela n’a rien de nouveau, et c’est même très bien puisque cela constitue un excellent apprentissage pour eux. Ce qui a changé, c’est qu’ils reviennent de moins en moins vers les campagnes pour y fonder de nouvelles familles. Les communautés rurales doivent trouver le moyen d’attirer les jeunes, de les encourager à venir y fonder une famille. Une municipalité rurale sans politique familiale est vouée au déclin ».

Monsieur Ferdous souligne en outre qu’il n’y a pas une campagne québécoise mais des campagnes. « Le monde rural est pluriel, multiple et varié. C’est ce qui le caractérise. Il est loin d’être un lieu d’homogénéité où tout le monde est pareil et indifférent à ses voisins. La menace qui plane sur le monde rural, c’est l’uniformisation ». C’e s t pourquoi, pense-t-il, la solidarité importe tant pour souder les communautés qui partagent un même territoire. On doit pouvoir harmoniser les diversités tout en préservant leur spécificité, leur originalité.

Comment peut-on enrayer le déclin d’un village ? « Il n’y a pas une recette qui pourrait s’appliquer partout de la même manière. Chaque communauté doit se prendre en main en rassemblant toutes les forces vives qui habitent son territoire, natifs et nouveaux arrivants confondus ». Le Québec s’est doté d’une politique de la ruralité, mais les gens de Solidarité rurale pensent que cela ne suffit pas : « Les normes d’un programme ne peuvent s’appliquer de manière uniforme à tous les territoires, à toutes les communautés du Québec. C’est pourquoi nous avons insisté pour que les ressources du Pacte rural soient gérées à l’échelle locale, en fonction des besoins réels des gens qui habitent chacun des territoires. Ce sont les citoyens des campagnes qui savent le mieux ce qu’il convient de faire pour assurer le développement durable de leur coin de pays et les normes de la politique de la ruralité doivent pouvoir s’adapter à ces besoins, pas l’inverse ».

« Ce qui différencie les communautés qui réussissent à contrer le déclin de leur village de celles qui échouent, c’est la volonté des gens de s’approprier leur territoire, de prendre en main les destinées de son développement, de s’impliquer dans des projets communs. Pour ce faire, un journal communautaire peut être un outil capital ». Bref, il faut être rassembleur en informant les gens et en les incitant à se mêler des affaires de la communauté. Que les « néo » et les natifs travaillent en collaboration, que les anciens accueillent les nouveaux. Que l’on réapprenne à vivre ensemble. Que l’on adopte des projets communs. Que l’on combatte le fatalisme qui nous pousse à baisser les bras lorsque le village commence à péricliter.

« Il n’y a pas de territoire sans avenir, il n’y a que des territoires sans projets », disait Raymond Lacombe, ce paysan français, fondateur de Sol et Civilisation, un groupe de réflexion sur le monde rural, qui a tant marqué la réflexion sur la ruralité.

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