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- Édito -

Partons, la mer est belle

Éric Madsen

Quand j’étais petit garçon, j’étais fasciné par tout ce qui était transport hors route. Aujourd’hui encore, les bateaux, les trains et les avions exercent sur moi une attraction hypnotique. Cela est sans doute dû à des expériences parfois rocambolesques avec ces monstres d’acier. J’ai souvenir encore d’avoir dérivé avec un moniteur de camp de vacance, dans une coquille de noix, en panne d’essence, dans le chenal du Saint-Laurent en pleine nuit, transi de froid et balloté par la houle provoquée par le passage des navires. Et cette affeuse nuit inoubliable, dans un chalutier français en pleine tempête sur la Manche, gracieuseté de l’oncle Raymond, propriétaire d’un bistro au Tréport. Quel mal de mer épouvantable ! Nauséeux et titubant, je fus vite démasqué par un vieux loup de mer, me qualifiant avec raison de marin d’eau douce.

Plus tard, pour un emploi d’été, j’ai travaillé au Canadien Pacifique, section chemin de fer. Le travail était dur et ingrat, des journées entières à marteler des clous sous un soleil de plomb, harcelé d’insectes piqueurs. Mais la récompense était de revenir chez les parents pour la fin de semaine, inconfortablement assis dans la deuxième locomotive d’un convoi, ou transbahuté dans la caboose aujourd’hui disparue. Ti-cul, mon rêve était de devenir pilote d’avion. Malheureusement, mes résultats scolaires n’étaient pas à la hauteur. N’empêche, ma relation avec les avions ne date pas d’hier. J’ai souvenir de déambuler à l’âge de neuf ans avec mon frère ainé dans l’aéroport O’Hare de Chicago en route pour Montréal. Nous avions raté une correspondance. Ou lors d’une visite chez mon père qui habitait Los Angeles. Dans un geste qu’on qualifierait d’insouciant, il m’a laissé seul sur le bord d’une route au pied des pistes, le temps d’aller chercher sa nouvelle blonde, hôtesse de l’air. Moi je capotais de voir passer les avions cent pieds au-dessus de ma tête, humant le caoutchouc brûlé des trains  d’atterrissage de ces oiseaux métalliques se posant au sol. Dans une autre vie, j’ai été pomiculteur. Sans parler d’échec, ma fibre agricole était plutôt modeste. J’ai dû me résoudre à mettre fin au verger après plus d’une décennie de sacrifices. Et par une chance inouïe, vous pourriez voir mon nom sur deux ou trois génériques de films québécois, lorsque de rares fois, ma mère m’engagait sur sa production. N’ai-je pas aussi cuisiné à Mystic dans la seule auberge du village ?  Il me semble que oui. Peinturé des bâtiments. Joué du drum à l’église. Conduit des tracteurs. Camionné pour un courtier en douanes. Fait des rondes de nuit dans une usine comme gardien de sécurité. Été commis dans un club vidéo. Tout cela pour aboutir électricien depuis 25 ans et enfin, président d’un journal.

Le 3 mai prochain, à l’assemblée générale annuelle du journal Le Saint-Armand, je quitterai la présidence après 10 ans de services. Je n’abandonne pas le navire, mais au lieu d’être à la timonerie, je vais descendre à la salle des machines, huiler les moteurs et, qui sait, me salir les mains un peu. Longue vie au journal et bonne chance à celui ou celle qui prendra la barre. En ce moment, la mer est calme…

Bonne lecture et à la prochaine.

NDLR – Que les lecteurs des chroniques d’Éric se rassurent : celui qui a été timonier avec dévouement et compétence pendant dix ans continuera à signer des articles dans nos pages. C’est une promesse que nous tiendrons pour le plus grand plaisir de celles et ceux qui ont apprécié ses savoureuses chroniques. Salut Éric ! T’es vraiment un type formidable et un ami indéfectible.

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