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Noël d’Amérique… Menu amérindien !

Paulette Vanier

C’est le soir de Noel. Le grand-père vient d’attaquer la dinde au couteau électrique, tandis que le petit Hugo réfléchit à la manière dont il s’y prendra pour sculpter la purée de patates, qu’il aspire à transformer en Monde du Milieu, avec ses grottes et ses pics neigeux, et que Catherine, que les baies rouges troublent profondément sans qu’elle puisse expliquer pourquoi, lorgne du côté de la sauce aux atocas.

S’il coule du sang indien dans cette famille sans histoire, on n’en aperçoit nulle trace sur les visages, sauf peut-être en ce qui concerne Catherine, dont les pommettes hautes laissent planer quelque doute quant au pedigree familial. Personne ne sait non plus que le repas est entièrement composé de mets amérindiens. Sauf, peut-être, encore une fois, Catherine, qui s’interroge sur l’origine du mot « atoca ».

Cette grosse volaille qu’à défaut d’avoir chassée, le grand-pére découpe avec un plaisir un peu pervers, a pour ancêtre le gracile dindon sauvage, originaire de l’Amérique du Nord et parfaitement inconnu des Européens avant la conquête espagnole. Source de nourriture pour les Amérindiens du sud du Canada, des États-Unis et du Mexique pendant des millénaires, il a presque disparu sous les effets combinés de la chasse récréative, de l’urbanisation, des feux de forêt et de l’agriculture intensive. Au début du 20e siècle, des regroupements de chasseurs américains ont entrepris de le réintroduire et aujourd’hui, on le trouve un peu partout, y compris à Saint-Armand, où on peut observer à l’occasion d’impressionnants rassemblements (allez voir du côté du chemin Chevalier, direction pont couvert, le matin de bonne heure).

Quant à la pomme de terre, ce tubercule que l’on associe spontanément aux Irlandais, elle vient en réalité des Andes péruviennes où il existe encore des centaines de variétés sauvages qui côtoient celles que les Incas ont sélectionnées au fil du temps. Mais nous y reviendrons car la papa mérite qu’on lui consacre un article à elle seule, tellement le rôle qu’elle a joué, et joue toujours, dans l’alimentation est important. Pour l’heure, laissons plutôt le petit Hugo à ses travaux d’ingénierie et évitons surtout de le déranger car il est en train d’effectuer une opération fort délicate : creuser un lac souterrain sous la montagne, ce qui n’est pas évident quand on ne dispose que d’une cuiller à soupe.

Reste l’atoca, cette baie des tourbières et des marais acides que les Amérindiens de l’est du Canada et des États-Unis consommaient crue ou cuite et conservaient durant l’hiver dans des récipients d’écorce de bouleau ou enfouie dans de la mousse de tourbe. Catherine en croque une en fermant les yeux et se trouve instantanément transportée sur le bord du Grand Fleuve. Chaussée de raquettes de babiche, les mains posées sur le coeur, elle adresse à quelque divinité naturelle de sincères remerciements pour le repas abondant qu’elle vient de prendre.

Bon Noël, amis abénakis, algonquins, aztèques, cris, dénés, hurons, incas, inuits, innus, malécites, mayas, micmacs, montagnais…

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