Photo : http://www.lost.org
Au Québec, la protection des rives, du littoral et des zones inondables est de juridiction municipale. Dans la majorité des cas, les conseils municipaux délèguent cette responsabilité à la Municipalité régionale de comté (MRC). À Saint-Armand, le maire et ses conseillers ont décidé de prendre les choses en mains (voir l’article ci-contre à ce sujet). Il faut certes s’en réjouir et applaudir à cette initiative de nos élus qui tranche avec le désespérant « laisser faire » qui caractérise habituellement les milieux municipaux à cet égard. Chapeau au maire et à ses conseillères et conseillers.
Le conseil municipal démontre, ce faisant, qu’il est possible de réglementer et d’agir, au niveau municipal, lorsque l’intérêt public est en jeu, et ce, même sur des terrains privés. La protection de l’environnement, voire du paysage, justifie qu’une municipalité intervienne en propriété privée aussi bien que dans les espaces publics.
Au cours des dernières années, les tribunaux, notamment la Cour suprême du Canada, ont confirmé ce principe en matière de protection des rives, du littoral et des zones inondables. Trois juges de la Cour d’appel du Québec viennent d’étendre ce principe au domaine de la protection du couvert forestier.
Les magistrats donnent raison à la municipalité de Sutton, au détriment de deux sociétés à numéro (détenues par la compagnie Bois Champigny de Mansonville) qui réclamaient l’annulation entière des règlements municipaux sur l’abattage des arbres sur des terrains leur appartenant. Ces sociétés possèdent, sur le territoire de Sutton, de vastes propriétés couvrant au moins 380 hectares. Le verdict inflige une dure leçon à ceux qui croient encore que le droit de propriété équivaut au droit de tout faire. Cette décision nous touche puisque l’entreprise possède des terres ou des droits de coupe un peu partout dans la région, notamment sur le territoire de Saint-Armand.
La Cour conclut qu’une municipalité a le droit, voire le devoir, de réglementer de manière à freiner l’érosion sur son territoire. Le jugement confirme qu’elle peut aussi le faire si « les coupes forestières ont un impact visuel important sur les sommets montagneux ». L’aménagement durable de la forêt inclut donc la protection du paysage.
Selon les juges Gendreau, Dalphond et Giroux, « La municipalité n’est pas tenue d’autoriser, à l’égard d’une propriété spécifique, tous les usages qui seraient les plus rentables si leur localisation était laissée aux seules lois du libre marché ».
Rappelons que dès 1995, dans la foulée du Sommet sur la forêt privée, la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) a été modifiée pour permettre aux municipalités de « régir ou restreindre la plantation ou l’abattage d’arbres afin d’assurer la protection du couvert forestier et de favoriser l’aménagement durable de la forêt privée ». Le récent jugement de la Cour d’appel confirme la validité de la LAU et des pouvoirs et devoirs municipaux à cet égard. Tout comme les cours d’eau, le couvert forestier, même lorsqu’il est situé sur des propriétés privées, constituent un patrimoine collectif qui peut et doit être régi par la municipalité.