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- Gens d'ici -

Denis Larocque… en grandes pompes !

Jean-Pierre Fourez

Photo : Jean-Pierre Fourez

Il y a dans notre société une catégorie de professions avec lesquelles on entre tient une relation dont on se passerait volontiers mais qu’on fréquente par obligation : percepteur, dentiste, policier et bien d’autres.

Dans ma liste à moi, il y avait autrefois plombier. Peut-être que symboliquement les plombiers ont quelque chose à voir avec mes débordements, mes fuites et mes problèmes de tuyauterie. Vous êtes en détresse avec un tuyau qui gicle à travers la cuisine et voilà le plombier qui arrive tel un sauveur et qui, d’un coup de clé à molette, stoppe l’hémorragie. Tout cela parait irréel jusqu’à ce qu’il vous présente la facture, salée bien entendu

Mais ça, c’était avant que je rencontre Denis Larocque. En réalité, il n’est pas plombier mais, bien que vendeur et installateur de pompes hydrauliques, il fait aussi des travaux de plomberie.

Beaucoup de professions vont par paire comme boulanger-pâtissier, boucher-charcutier ou menuisier-ébéniste… nous, à Saint-Armand, on a la chance rare d’avoir une sorte de plombier-travailleur social, poète, philosophe, quelque chose comme un conteur d’eau.

Denis est né en 1946 à Stanbridge-East. Ses parents, Paul-Émile Larocque, originaire lui aussi de Stanbridge, et Rita Sweeny, originaire de Gaspésie, se sont installés dans la région et ont élevé une famille de 10 enfants.

Jeune homme, Denis est employé à la compagnie Torrington (aiguilles de machines à coudre) qui deviendra Exeltor avant de disparaître il y a quelques années. Il y travaillera de 1965 à 1980.

En 1971, il épouse Carmen Dubé de Saint-Armand, achète un terrain de 250 $ sur le chemin Dutch (ça a augmenté depuis !) où, durant l’été 1974, il installe une maison préfabriquée qui fut d’abord déposée à l’envers, la porte d’entrée donnant sur les champs plutôt que sur la rue !

Le couple aura trois enfants : Sébastien en 1974, Josianne en 1976 et Emmanuel en 1982.

Pour arrondir son salaire, Denis devient représentant de pompes qu’il installe le soir et les fins de semaine. Le travail en manufacture ne lui convient décidément pas, il n’est plus capable de supporter l’étroitesse d’esprit qui règne et il tombe malade (on parlerait aujourd’hui de « burnout »). Il cesse de travailler plusieurs mois.

C’est pour lui comme un signal pour franchir une nouvelle étape et devenir son propre patron en démarrant sa propre entreprise. Il peut alors compter sur Robert MacDonald, l’ami, le mentor, celui qui encourage et qui conseille et qui reste encore après les années la figure de référence professionnelle.

Le travail est varié, les journées sont longues mais il n’a plus de contremaitre sur le dos. Petit à petit, il progresse avec la technologie et ainsi passe de la pompe à bras à la pompe à piston puis de la pompe à turbine aux nouveautés numériques.

Il fait maintenant équipe avec son fils Emmanuel et, ensemble, ils prennent le virage écologique pour s’adapter aux nouvelles normes, notamment en ce qui concerne le traitement de l’eau.

Denis est connu de tout le monde dans la région non seulement pour ses qualités professionnelles mais parce que c’est un personnage haut en couleur qui parle à ses clients comme s’ils étaient ses amis.

Il semble toujours émerveillé par les gens qui en savent un peu plus que lui ou qui ont une certaine notoriété. « Je crois que j’ai bien impressionné M. Foglia, dit-il. Je pense qu’il n’avait jamais vu l’intérieur d’un puits. Lui, sa job, c’est d’écrire. Alors si tu dis un mot, t’es faite, il va pondre une chronique sur toi ! » Chacun son boulot.

Denis, c’est la générosité incarnée. Même dans ses propos, il en remet. Ainsi un petit incident devient un cataclysme, une cabane devient un château et, quand il rentre de la chasse, le bébé orignal est devenu un« buck » avec un énorme panache !

Ces exagérations peuvent peut-être s’expliquer par ses origines méridionales. En effet, la plupart des Français installés en Nouvelle-France venaient de Normandie ou des provinces de l’Ouest, l’ancêtre Guillaume Larocque, lui,  est arrivé du Languedoc en 1717. Et puis exagérer met de la couleur dans la vie. On peut imaginer que, s’il avait choisi de vivre à Saint-Élie-de-Caxton, Fred Pellerin lui aurait déjà élevé un monument.

Ce qui est merveilleux avec Denis, c’est que quand il reste deux heures chez vous, il ne facture que la demi-heure réellement travaillée ! L’heure et demie restante est pour raconter par exemple comment cette vieille dame seule lui a préparé une tarte aux bleuets et l’a gardé (et payé) deux heures pour une réparation de quelques minutes en lui disant : « Ça fait tellement de bien de parler à quelqu’un ».

Et toutes ces aventures à se rouler de rire, comme la fois où une autre dame âgée l’appelle pour une toilette bouchée. Denis lui explique qu’il doit couper le drain à la cave et que pendant ce temps-là elle ne doit pas utiliser la toilette. Que fait la dame ? Vous avez deviné ! Elle tire la chasse d’eau quand Denis est juste en dessous !

Il lui est arrivé de dépanner une dame de 93 ans à Noël et de la ramener avec lui parce qu’il était inconcevable de la laisser seule en ce jour de fête. En fait, toutes les femmes lui font confiance, ce qui est de plus en plus rare de nos jours.

Denis le plombier-philosophe pose des questions essentielles sur les comportements humains : par exemple, qu’est-ce qui fait qu’une même personne qui déclare être en urgence extrême parce qu’elle n’a plus d’eau chaude depuis dix minutes (et exige le plombier immédiatement) est capable d’attendre 4 heures à la clinique pour un petit bobo ? Ou encore ces gens qui appellent un soir de Nouvel An et partent réveillonner pendant qu’il essaie de réparer les dégâts durant toute la nuit.

Denis a un gros défaut, il ne sait pas dire non ! Mais aussi une grosse qualité, celle de connaitre ses forces et d’éprouver une fierté légitime quand il résout un problème technique. L’important, dit-il, c’est de faire une belle job avec plaisir et de conserver une confiance mutuelle avec les clients.

Denis est un mélange de réalisme et de naïveté. C’est un enfant qui regarde autour de lui avec un œil neuf, un curieux qui cherche à savoir comment la Terre tourne. Il est humain avant d’être plombier et, à 66 ans, il aimerait pouvoir imiter Donald, son collègue électricien qui, à 80 ans, grimpe encore dans les échelles. Il aimerait aussi continuer à distribuer du bonheur et une façon à lui de le faire est de ne pas faire payer les gens qui n’en n’ont pas les moyens. « C’est bien beau, le motton d’argent, mais avoir une vie libre et heureuse, c’est encore mieux ».

Alors, si vous avez la chance d’avoir des problèmes de plomberie, appelez Denis Larocque, vous verrez que ses pompes sont loin d’être funèbres !

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