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Connaissez-vous votre curé ?

Une entrevue avec Éloi Giard
Jean-Pierre Fourez

Le curé Éloi Giard devant l’église Saint-Damien de Bedford (Photo : Jean-Pierre Fourez)

Éloi Giard est né le dans une famille d’agriculteurs de Saint-Simon-de-Bagot. Il est le deuxième de six enfants (cinq garçons et une fille). Élevé dans une ferme laitière et céréalière prospère (qui a obtenu en 1995 la médaille d’or du Mérite agricole), il a vite compris que, bien que sachant traire les vaches, son destin était ailleurs que dans l’agriculture. Sa famille, qu’il décrit comme « tricotée serrée », a toujours été et reste encore pour lui un repère important, fait de liens indéfectibles. Ses parents, qui lui ont inculqué de solides valeurs chrétiennes et humanistes, ont toujours été impliqués dans leur milieu aussi bien dans le domaine religieux que social, mais aussi dans toutes les sphères qui forment une communauté : mouvements agricoles, sports, mairie, école, etc.

Jeune homme au tempérament sportif (la carrure de l’homme qu’il est devenu en fait foi !), il est passionné par les arts et particulièrement par la musique. Il a appris et joue du piano, voue une admiration sans bornes à J.-S. Bach et fond en écoutant une sonate de Scarlatti.

Éloi a fait tout son parcours secondaire et collégial au Séminaire de Saint-Hyacinthe et s’est inscrit à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Trois semaines avant le début des cours, une catastrophe s’abat sur la famille : Martin, le fils aîné, étudiant en théologie, est tué sur le coup dans un accident d’auto. Martin avait choisi d’être prêtre alors que, à cette époque, Éloi n’était pas spécialement religieux.

Cette tragédie, dit-il, « m’a condamné à la Vérité sur moi-même. » Ce choc brutal a été comme l’étincelle qui donne un sens aux valeurs chrétiennes. Il cite alors Albert Brie1 : « Ce qui n’a pas de sens s’en va dans tous les sens. » Cette recherche de sens, qui déclenche en lui une remise en question fondamentale, l’amènera vers une nouvelle vie. Quand il finit sa première année de droit, il comprend que le mot « Justice » peut prendre une autre signification. Il ne prendra pas le chemin du Droit, comme il le dit, mais cherchera plutôt le droit chemin. Il abandonne alors l’Université et sa « blonde » pour s’inscrire au Grand Séminaire de Sherbrooke. Il veut se laisser toucher par son véritable Moi qui l’appelle à l’engagement.

« L’ego est insatiable, dit-il. L’Homme n’a jamais assez d’artifices pour combler sa vie et sa soif de plaisirs alors que le fond, le vrai centre de l’Être, c’est l’Amour. »

Éloi est ordonné prêtre le 25 Juin 1988 et devient clerc à Saint-Mathieu-de-Belœil, puis retourne à l’Université faire une maîtrise en théologie et présente un mémoire sur Hans Küng2. Il devient ensuite curé à Saint-Damase. Il a 37 ans, il aime son travail mais une période de doute existentiel l’envahit et se solde par un burn-out et un état dépressif qui lui sera salutaire puisqu’il l’obligera à puiser au fond de lui-même l’élan nécessaire pour renaître. Durant 10 ans, iI occupera la charge de curé à Farnham avant de partir pour Québec se ressourcer chez les Jésuites du Centre d’études en spiritualité.

En août 2008, il est nommé responsable, pour un mandat de trois ans, de l’Unité paroissiale des Frontières qui regroupe les paroisses de Bedford, Notre-D a m e – d e – S t a n b r i d g e , Saint-Ignace, Pike-River, Philipsburg et Saint-Armand. Comme c’est une grosse commande pour un seul homme, il s’applique à rassembler des gens crédibles et engagés, aptes à former des noyaux d’activités tant religieuses que sociales. Artiste aussi et pas uniquement prêcheur, Éloi aime mettre la main à la pâte et veut entamer, avec l’aide d’une équipe, la décoration intérieure de l’église Saint-Damien de Bedford pour en faire un lieu propice à la méditation.

Conscient que l’Église n’a pas de réponse à tout dans notre monde, il pense cependant qu’elle devrait être à l’avant-garde de tous les combats écologiques et sociaux. Il se dit très préoccupé par l’avenir de la famille qui est en déroute et par la pauvreté issue de l’injustice sociale.

Souhaitons bonne route et bon courage à Éloi car il a du pain sur la planche !

Notes :

1. Albert Brie, sociologue québécois né en 1925, qui tenait la chronique « Le mot du silencieux » dans Le Devoir.

2. Hans Küng, théologien et philosophe suisse né en 1928.

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