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- Agroforesterie -

Un arbre, une vie

Mathieu Voghel-Robert

Photo ; Johanne Ratté

Quelle belle façon de faire découvrir la magie de la vie et de la nature à un enfant que de lui donner l’occasion de faire germer un gland, une noix ou des samares pour en voir surgir et grandir un arbre ! Arbre qui, à ses yeux, restera sa création, et qui poussera en même temps que lui. Un arbre d’enfance, comme un guide qui témoigne du temps passé. Même après plusieurs années d’abandon, on se reconnaît en lui et on sait qu’il restera en terre bien après notre mort. On sait qu’on pourra même y amener nos petits-enfants. « Regarde, grand-papa avait ton âge quand il l’a planté. » Et de voir leurs yeux s’émerveiller et leur excitation grandir à l’idée d’aller planter le leur juste à côté.

C’est cette poésie toute simple qui anime Yvon Camirand. Depuis 1992, il mène avec ses élèves le projet Un arbre, une vie. Rien de bien compliqué : chaque élève fait germer un gland de chêne en début d’année et le met en terre à la fin des classes. Une partie des arbres ainsi produits sera alors vendue. Les profits amassés permettent aux élèves méritants de participer à des activités parascolaires.

Et si on plantait un arbre à chaque naissance ! Illustration : Jean-Pierre Fourez

Yvon Camirand a vu le projet se disséminer dans les écoles voisines de la commission scolaire des Bois-Francs, dans la région de Victoriaville. Grâce au support de l’Association forestière des Cantons-de-l’Est (AFCE) et le réseau des écoles Bundtland*, les frontières ont reculé rapidement. Depuis deux ans, à Sainte-Brigide-d’Iberville, des élèves de l’école Notre-Dame-du-Sourire font pousser chênes et noyers sous la tutelle de Jean-François Marin, leur enseignant. Il y a aussi l’Atelier 19, un centre communautaire de Granby, qui participe depuis 3 ans. « En tout, selon ce dont je suis au courant, on peut dénombrer environ 8000 arbres produits en milieu scolaire à travers le Québec chaque année », écrit M. Camirand lors d’un échange de courriels. « C’est très formateur, souligne-t-il. Ça permet aux jeunes de développer un degré de responsabilité sociale, un degré d’appartenance à l’environnement. » Les écoliers prennent littéralement en charge le développement de leur arbre. « Les jeunes adorent le projet, poursuit-il. » Il ne s’attendait d’ailleurs pas à ce que ce dernier prenne une telle ampleur. « J’y croyais en tant qu’enseignant, ça avait une valeur patrimoniale, précise-t-il. Je leur enseignais que, avant, la vallée du Richelieu était pleine de forêts de chênes magnifiques et que nos ancêtres les ont passablement décimées. »

Aujourd’hui, il est à la retraite, mais continue toujours de s’occuper du projet, plus spécifiquement de la pouponnière qui récupère les arbres non vendus. La municipalité de Princeville prête un terrain sur lequel sont plantés les cassissiers, noyers, érables à sucre, chênes rouges et blancs, marronniers, frênes et épinettes qui ne trouvent pas preneur. Près de 10 000 arbres y sont entretenus avec l’aide de jeunes du secondaire qui y trouvent là un travail d’été. Il a le bonheur de rencontrer les premiers élèves à avoir démarré le projet, qui lui annoncent tout excités que leur chêne produit. C’est qu’il faut 15 à 25 ans avant d’en récolter les fruits.

Promotion difficile

Au Québec, on ne fait guère la promotion des essences nobles. Pour la conservation, il n’y a pas besoin de convaincre beaucoup de gens, mais quand vient le temps de planter, ou de produire, « il faut des propriétaires vraiment motivés, affirme Christopher Chapman du Groupement forestier de la Haute-Yamaska (GFHY). C’est un acte de foi en l’avenir parce que ça n’ajoute aucune valeur réelle tangible à un terrain. » On en tire plutôt la satisfaction d’avoir planté ces arbres et de les voir grandir un peu. « Le coût pour chaque arbre est très élevé même avec les programmes d’aide financière, surtout qu’on ne voit jamais le fruit de notre travail, admet-il. » En effet, ces arbres prennent en moyenne au moins 70 ans pour atteindre leur maturité, si ce n’est plus. « Je préfère prendre ce que la nature donne, de préserver les essences présentes, confie M. Chapman. » Il coupe volontiers les arbres de transition comme les peupliers et les érables rouges, mais jamais les bouleaux jaunes, les érables à sucre et les chênes blancs ou rouges. « Quand on coupe comme il faut, on n’a pas besoin de reboiser, rappelle-t-il. »

L’Agence forestière de la Montérégie (AFM) offre des programmes d’aide aux propriétaires ; environ 150 projets sont ainsi soutenus annuellement. « C’est au compte-goutte en superficie et à la fin de l’année, il manque souvent de budget, explique M. Chapman. Surtout que, cette année, on a 50 000 à 60 000 $ de moins, juste pour le GFHY. » L’AFM est toujours en attente d’argent du fédéral.

Il y a aussi l’Association forestière des Cantons-de-l’Est, un organisme à but non lucratif qui œuvre dans le transfert de connaissances sur la ressource forestière dans notre environnement, tant sur le plan économique, social et écologique que sur les nouvelles pratiques forestières. Quant à la Fiducie de recherche sur la forêt des Cantons-de-l’Est, elle s’intéresse particulièrement à la situation du noyer cendré d’Amérique et à la réintroduction de plantes herbacées rares. Sa mission se déploie selon cinq axes : conservation, restauration, production, formation et transfert de connaissances. L’organisme étudie toujours un « des plus vieux dispositifs d’enrichissement d’une forêt dégradée avec des chênes et des frênes, effectué en 1991 à Saint-Benoît-du-Lac », peut-on lire sur son site Internet. » Avec ces essences, il faut être patient. C’est aujourd’hui qu’il faut semer si l’on veut que nos arrière-petits-enfants puissent récolter. C’est un concept pas très à la mode en ces temps de vision à court terme. Pas très payant politiquement parlant, non plus. Mais quand on veut sortir du deux par quatre, du papier journal et de la pâte Kraft, il faut des solutions de rechange à court, à moyen et… à long terme.

*Brundtland

Les établissements verts Brundtland (EVB) sont nés d’un rêve collectif de centaines de personnes qui croient en la génération actuelle et aux générations futures, tout en partageant l’espoir d’un monde meilleur pour toutes et tous, ici et ailleurs sur la planète. Le mouvement EVB compte plus de 1200 établissements québécois du niveau primaire et secondaire. Il tire son nom du Rapport Bruntland, publié en 1988 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’Organisation des Nations Unies (ONU), dont la présidente était alors la politicienne norvégienne Gro Harlem Brundtland. Dans ce rapport, le principe du développement durable était clairement défini. Le nouveau concept a inspiré la Centrale de l’enseignement du Québec, aujourd’hui la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), à regrouper les intervenants en éducation relative à l’environnement et au développement durable en vue de réaliser les outils pédagogiques réunis sous le thème Ensemble, récupérons notre planète.

source : www.evb.csq.qc.net

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