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- Conte de Noël -

Il était une fois   Noël

Jean-Pierre Fourez

Pouf ! La machine à remonter le temps vient de vous faire reculer…  mettons dans les années 1930. Ce n’est pas la préhistoire. Et pourtant, lorsque vous atterrissez à la ferme Édoin le jour de Noël, c’est tout un saut à reculons que vous venez de faire. Les lieux sont iden­tiques, le pont couvert est déjà là depuis 100 ans au moins, mais ce qui vous frappe, c’est la quantité de neige : des bancs de neige de 3 mètres de hauteur repoussés tant bien que mal par Arcade Édoin, non pas avec un camion bien équipé mais avec une simple char­rue à neige attelée à deux solides chevaux. C’est Noël et il faut bien que la visite se rende à la ferme. Pour éviter d’avoir un encombre­ment de sleighs et de chevaux piétinant dans le froid, on a organisé une run collective (le covoiturage existait déjà !), et c’est un traîneau attelé en double qui est allé chercher à domicile amis et parenté. Le traîneau est déjà bien plein, et voilà encore du monde qui se joint aux pas­sagers. On se tasse … on se serre. Les chevaux peinent dans la poudrerie aveuglante, et il est bien difficile de les guider car le paysage est uniformément blanc. Tout à coup, les patins prennent le fossé, et voilà le traîneau qui verse sur le côté, envoyant sa car­gaison de passagers la tête la première dans la neige fraîche ! On remet le traîneau sur la route, on rembarque et on arrive à la ferme où tout le monde rit de l’aventure.

Il faut dire qu’autrefois, la période des Fêtes s’étalait de Noël à Mardi-gras. Cela commençait même bien avant, car dès la mi-novembre, après le grand ménage d’automne, madame Édoin préparait les menus des Fêtes : 20 ou 25 tourtières, des beignes, des montagnes de sucre à la crème, des biscuits à profu­sion et plein d’autres mer­veilles sorties de ses fourneaux. Les matières premières provenaient presque exclusivement de la ferme. Particulièrement la viande. En effet, on fai­sait boucherie à l’automne. On abattait un bœuf et un cochon, et la viande, une fois prélevé ce dont on avait besoin pour les Fêtes, était enterrée avec de la paille d’avoine et restait congelée plusieurs mois ; plus tard, elle était con­servée dans une glacière dans laquelle on mettait des blocs de glace directement sortis de la rivière.

La veille de Noël, on assis­tait à la messe de minuit qui, en réalité, se composait de trois messes. Si bien que de 11 h du soir à 2 h du matin, on s’entassait dans l’église en pensant un peu à la naissance du petit Jésus et beaucoup au retour à la maison. Pendant la messe, le père Noël était passé et les bas suspendus s’étaient miraculeusement remplis d’oranges, de noix et de bonbons et, comme dans la famille Édoin on est généreux, il y avait des jouets de toutes sortes. Les enfants, qui avaient sur­monté l’épreuve des trois messes et s’étaient endormis durant le retour en traîneau, se sentaient tout à coup bien réveillés autour du sapin, qui avait été coupé et installé le jour même.

Traditionnellement, Je lendemain, on recevait la famille proche pour le repas de Noël qui réunissait tout de même de 25 à 30 per­sonnes. Sur la table, c’était bombance car, en plus des tourtières, il y avait la dinde, du jambon, des fèves au lard et de quoi régaler les plus affamés et les plus gourmands (on ne parlait pas de cholestérol à l’époque !)

Dans les jours qui suivaient, c’étaient les visites et les repas avec les amis et voisins puis, au Nouvel An, on remettait ça : autre festin qui se terminait obligatoirement par le défilé de chacun des membres de la famille pour recevoir la bénédiction paternelle.

Les festivités se pour­suivaient ainsi tout le mois de janvier. Les soirées de danse, les parties de cartes et les veillées se succédaient au son du ruine-­babines, du violon ou de l’accordéon. Un certain John Larose était réputé pour animer les soirées avec son violon endiablé ! Dans l’ambiance et la douce chaleur, certains pre­naient un petit coup de trop et se retrouvaient pompette dans le banc de neige en train de rendre à la nature les merveilles de la cuisine ! À cette époque, la boisson des Fêtes était un assortiment de vins de pissenlit et de fruits divers fabriqués à la maison, et aussi du « fort », gin et autres alcools.

Ce fut comme ça jusque dans les années 40. Puis une rutilante Chevrolet vint remplacer la sleigh et, petit à petit, ces traditions ont laissé la place à une cer­taine modernité. L’essentiel cependant est resté : la joie des réunions familiales.

Figurez-vous que c’est un soir de Noël 1950 que Clément a demandé à Jacqueline de devenir son épouse. Comme dans les contes de fée, ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants, petits-enfants et arrière-­petits-enfants.

Merci à Clément et Jacqueline Édoin d’avoir bien voulu nous livrer quelques témoignages sur les noëls à Saint-Armand au temps de leur jeunesse.

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